Au Congo, le Centre de référence de la drépanocytose fait germer l’espoir

Au Congo, le Centre de référence de la drépanocytose fait germer l’espoir

Brazzaville, le 19 juin 2019 - Inquiet mais serein, Marcel fixe intensément la porte de la salle où son fils Mardochée, 9 ans, reçoit des soins. Sur son visage se lit la même expression de lassitude que sur ceux des autres patients et « garde-malades » assis dans la salle d’attente. Nous sommes au Centre national de référence de la drépanocytose (CNRD), à Brazzaville, en République du Congo.

Rattaché au Centre hospitalier universitaire de Brazzaville mais jouissant d’une autonomie de gestion, le CNRD est un centre médical spécialisé à vocation de guichet unique pour toutes les personnes qui, comme le petit Mardochée, sont atteintes de la drépanocytose.

La drépanocytose est une maladie génétique de l’hémoglobine qui touche la plupart des pays de la région africaine de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Elle cause une déformation des globules rouges en leur donnant la forme d’une faucille, ce qui perturbe le transport d’oxygène dans le sang et augmente la susceptibilité à la formation de caillots. La majorité des enfants atteints de la forme la plus grave de la maladie meurent avant l'âge de 5 ans, généralement d'une infection ou d'une perte de sang grave. Selon les experts, plus de 25 % de la population congolaise, soit 1,4 million de personnes, présente un trait drépanocytaire.

La famille du petit Mardochée a toujours su qu’il était drépanocytaire, mais c'est seulement au cours de ces deux dernières années qu'il a commencé à subir des crises récurrentes. Au début son père l’emmenait à l’hôpital de Talangaï, un quartier de la périphérie nord de Brazzaville, où Marcel vit avec sa femme et leurs trois enfants. Une expérience difficile. « Là-bas, il n’y a pas de spécialistes appropriés pour la drépanocytose ; au CNRD par contre vous avez des spécialistes qui prennent en charge uniquement les personnes drépanocytaires », relate Marcel. « Lorsque j’ai emmené l’enfant ici il y a trois jours, je n’avais pratiquement rien. Heureusement le Pr Elira était là et il s’est occupé de lui tout de suite. La première journée c’est le centre qui a pris en charge l’ordonnance et l’achat des médicaments », précise-t-il.

Un chercheur en quête de solutions

Inauguré en 2015, le CNRD a reçu plus de 8000 patients au cours de ses six premiers mois. Le complexe est équipé de 23 lits, une banque de sang, un automate pour dépistage rapide, une pharmacie, une salle de radiologie, ainsi qu’une cafeteria adaptée aux besoins nutritionnels des drépanocytaires, et une guest house pour les chercheurs venus d’autres pays.

« Le CNRD a une vocation sous régionale et nous voulons en faire un centre d’excellence sur le plan de la recherche, du dépistage, du traitement et du suivi des personnes atteintes de drépanocytose », souligne le Pr Alexis Elira Dokekias, qui dirige la structure depuis son lancement.

Une étude épidémiologique est prévue à travers le pays au cours des 3 prochains mois – la première depuis 1984. Il est aussi prévu de mettre sur pied une banque de données génétiques et un diplôme de spécialisation sur la drépanocytose pour médecins et infirmiers à partir de l’année académique 2020 à l’université Marien Ngouabi de Brazzaville. Le Pr Elira Dokekias ambitionne également de faire des diagnostics périnatals afin de détecter la maladie le plus tôt que possible.

Le CNRD a signé deux accords de partenariat avec le Howard University Center for Sickle Cell Disease (Centre sur la drépanocytose à l’Université de Howard), basé à Washington, aux États-Unis. Les deux institutions établiront bientôt un centre de formation en hématologie à Brazzaville. Howard a aussi aidé à recruter et à former une chercheuse congolaise pour faire la liaison sur les soins cliniques et la recherche entre les deux pays.

« Nous espérons que la République du Congo sera le premier pays d'Afrique à avoir un programme de dépistage universel de la drépanocytose chez les nouveau-nés », déclare le Professeur James G. Taylor VI, directeur du Howard University Center for Sickle Cell Disease. « Pour ce qui est de la drépanocytose, les défis auxquels est confrontée l’Afrique sont comparables à ceux auxquels nous sommes confrontés aux Etats-Unis – à savoir, un manque de financement et un nombre insuffisant de personnel de santé qualifié », précise-t-il.

Le professeur Taylor reste cependant optimiste. « En Afrique, d'importants alliés politiques ont attiré l'attention sur l'importance de cette maladie », observe-t-il.

Plaidoyer de la Première Dame

Un de ces alliés est indubitablement la Première Dame du Congo, Mme Antoinette Sassou Nguesso, dont le CNRD porte le nom. En effet à travers sa fondation Congo Assistance, elle est parvenue à mettre la drépanocytose sur l’agenda des décideurs congolais et à mobiliser des ressources pour le fonctionnement du CNRD. Pour son attachement à la cause des drépanocytaires, Mme Antoinette Sassou Nguessou a été distinguée lors de la 72e Assemblée mondiale de la santé qui s’est tenue le mois de mai à Genève.

L'OMS a apporté son expertise technique pour l'opérationnalisation du CNRD et l'a doté d'un automate d'hématologie. Elle a par ailleurs apporté son appui technique et financier au renforcement des capacités des hôpitaux des districts sanitaires à travers le pays dans le dépistage et la prise en charge de la drépanocytose. Une mission conjointe de l’OMS et du ministère de la santé du Congo est prévue dans les prochains jours pour renforcer davantage les efforts consentis dans la lutte contre la drépanocytose.

Grâce à tous ces efforts, l’espoir est désormais permis pour les personnes atteintes de drépanocytose comme Mardochée.

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