Une lutte soutenue pour vaincre les cancers du sein et du col de l’utérus au Congo

Une lutte soutenue pour vaincre les cancers du sein et du col de l’utérus au Congo

Brazzaville – Pr Judith N'Sondé Malanda est cancérologue médicale et cheffe adjointe de cancérologie au Centre hospitalier universitaire (CHU) de Brazzaville. Affectée dans le service depuis 29 ans, elle est aussi la directrice du Programme national de lutte contre le cancer. Tout au long de sa carrière, elle a vu passer plusieurs milliers de patients, particulièrement des femmes atteintes des deux types de cancer les plus fréquents dans le pays : le cancer du sein et celui du col utérin. « En 12 années de fonctionnement du Registre des cancers, de 1996-2008, nous avons enregistré à Brazzaville 1017 cas de cancers du sein soit 30,1%, et 897 cas de cancers du col, soit 26,3%. Plus récemment, entre 2018 et 2019, 33,5% des femmes diagnostiquées avaient le cancer du sein et 19,9% le cancer du col de l’utérus », explique-t-elle.

Ces deux types de cancer sont également ceux qui tuent le plus, et cela est dû en majeure partie à l’ignorance qui entoure ces fléaux. C’est ce qui a marqué Pr N’Sondé au fil des années : « Ce que j’ai constaté depuis le départ, c’est le manque d’information dont les gens sont victimes, et cela touche même une partie du personnel soignant, le personnel médical et paramédical. C’est l’ignorance qui tue plus que la maladie, car nous voyons que plus de 80% des femmes atteintes de ces cancers viennent à l’hôpital alors qu’elles sont déjà à un stade avancé de la maladie. Cela explique le fort taux de décès enregistré, estimé à 80 décès sur 100 personnes atteintes. »

Face à cette réalité, Pr N’Sondé s’est associée aux survivantes du cancer pour venir à bout de ces statistiques en allant vers la population avec des messages qui sauvent : « Nous allons à la rencontre des femmes à des endroits tels que les églises et les mairies, pour leur parler du cancer, particulièrement ses signes avant-coureurs. Le message principal que nous leur portons est de se faire dépister à temps car lorsqu’on est dépisté tôt, on a plus de chances de s’en sortir. »

Les survivantes connaissent mieux que quiconque l’importance du dépistage précoce. Une d’entre elles, Christelle, a été soignée dans le service du Pr N’Sondé et est engagée à ses côtés dans la sensibilisation : « J’ai connu Christelle depuis 2006 », explique Pr N’Sondé. « Elle avait 47 ans et était atteinte du cancer du sein, puis quelques années plus tard elle a été diagnostiquée avec des lésions utérines. C’est une femme très courageuse, battante et positive. Elle nous est d’un appui précieux surtout au moment de l’annonce du diagnostic aux patientes. Elle sait trouver les mots pour apaiser les autres. »

Avec l’apparition de la COVID-19 en mars 2020, les activités ont connu un ralenti et plusieurs défis se sont posés au service de cancérologie. « Certains des blocs n’étaient pas opérationnels et cela nous a empêché de procéder à l’opération des seins cancéreux. Il y a eu ici des cas de décès dus à la COVID-19, et cela a créé une méfiance qui a entraîné la chute du nombre de consultations. En 2019, nous avions enregistré 165 cas en 6 mois, comparé à 75 cas en 6 mois sur la même période en 2020. Après le confinement de 2020, nous avons aussi tristement constaté le décès de plusieurs patientes et plusieurs autres sont arrivées à des stades si avancés que nous ne pouvions plus les assister comme il faut. A tout ceci s’ajoute le fait que la pandémie a aussi entraîné une rupture prolongée en médicaments essentiels. »

Pour appuyer la lutte contre les cancers du col utérin et du sein, plusieurs initiatives ont été initiées ou appuyées par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) au niveau du pays, comme l’explique le Représentant de l’organisation Dr Lucien Manga : « Nous avons fait le plaidoyer pour que les interventions majeures de lutte contre le cancer du col de l’utérus et du cancer du sein soient intégrées dans le Plan national de développement sanitaire (PNDS 2018-2022), et qu’elles soient des priorités nationales. Un plaidoyer fort concernait notamment la mobilisation des ressources et du partenariat en vue de l’introduction du vaccin contre le Virus du Papillome Humain (VPH) dans le Programme élargi de vaccination au Congo. L’OMS a en outre appuyé la mise en place des unités de dépistage des cancers du col de l’utérus et du sein dans les hôpitaux de base de Makélékélé et de Talangaï et nous avons en outre été un partenaire central de la célébration de 3 éditions d’‘Octobre Rose’, qui avaient pour objectif primaire la sensibilisation des populations contre les facteurs de risque du cancer du col de l’utérus et du sein. »

La stratégie mondiale de l’OMS visant à éliminer à l’échelle le cancer du col de l’utérus en tant que problème de santé publique envisage que tous les pays s’efforcent à ramener d’ici 2030 son incidence à moins de 4 pour 100 000 femmes, à travers la vaccination contre le VPH des populations cibles (filles âgées de 9 à 17 ans avec un rattrapage possible à 25 ans), le dépistage précoce et le traitement des lésions précancéreuses, ainsi que la prise en charge des cancers invasifs. L’ensemble de ce paquet d’intervention ayant pour but d’assurer une prise en charge holistique centrée sur la personne.

C’est aussi la position de Pr N’Sondé : « Je veux que la prise en charge des malades du cancer soit complète. Il est vrai que le gouvernement nous apporte un appui ici et là, mais nous avons besoin de plus de soutien, y compris de la part des partenaires. Nous devons multiplier les campagnes de sensibilisation et de dépistage sur le territoire national, fournir plus de médicaments en les rendant accessibles, augmenter les plateaux techniques, favoriser la communication et l’information entre le personnel de santé et la population pour que chacun soit capable d’identifier la maladie. »

Malgré les défis, son engagement reste entier : « En tant que Présidente de l’Association des femmes médecins du Congo, je continuerai à lutter par tous les moyens contre les cancers, particulièrement les cancers féminins. Mon souhait le plus ardent est que les conditions de prise en charge s’améliorent dans notre pays pour permettre à toutes les femmes du Congo d’être soignées ici jusqu’à leur guérison complète. »

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