Violence exercée par le partenaire intime et violences sexuelles faites aux femmes
Les agents de santé doivent avoir une écoute active, une attitude neutre et proposer un traitement adapté, dans un cadre privé
Chaque année la violence fait 1,5 million de morts dans le monde. Elle est responsable d’environ 7% des décès chez les femmes. On estime que 36,6% des femmes de la Région africaine de l’OMS ont subi des actes de violence physique et/ou sexuelle commis par un partenaire intime Il en résulte des problèmes de santé physique, mentale ou sexuelle immédiats ou à long terme. Dans certains pays de la Région, la prévalence de la violence sexuelle dans les périodes de conflit et post-conflit varie de 3,4% à 29,5%.
Cette pénible situation a été présentée par le Dr Khadidiatou Mbaye, Conseiller régional en Genre, Santé des femmes et Santé des personnes âgées au Cluster HPR du Bureau régional de l’OMS pour l’Afrique, lors de l’Atelier sur la prévention et la réponse à la violence exercée par le partenaire intime et la violence sexuelle faites aux femmes qui s’est tenu du 24 au 27 septembre 2013 à Saly au Sénégal. Il était organisé par les Départements Prévention de la violence, du traumatisme et du handicap, Santé génésique et Recherche de l’OMS/Siège et le Bureau régional de l’OMS pour l’Afrique, en collaboration avec le Ministère de la Santé et de l’Action sociale du Sénégal.
L’atelier de Saly avait pour objectif de susciter une prise de conscience des participants visant à renforcer la mise en oeuvre des programmes de prévention et de prise en charge effective par les services de santé et stimuler les efforts nationaux pour lutter contre la violence exercée par le partenaire intime et les violences sexuelles.
Ont participé à l’atelier de hauts responsables de l’Administration judiciaire, des ministères chargés de la Santé, de la Femmes/Genre/Famille/Enfant, du Travail, de la Côte d’Ivoire, de la Guinée, du Congo Brazzaville, de la République démocratique du Congo et du Sénégal, des spécialistes de l’UNFPA, du Bureau régional de ONU-Femmes, de membres de comités nationaux, groupes de travail et ONG impliqués dans la formulation de politiques et de programmes nationaux de lutte contre les violences faites aux femmes et des Conseillers chargés de la Santé de la Reproduction et du Genre dans les Bureaux de l’OMS des pays représentés.
La facilitation de l’atelier a été assurée par le Dr Chris Mikton et le Dr Claudia Moreno, de l’OMS/Siège et le Dr Seipati Anoh de IST/Ouga et le Dr Ghislaine Conombo de IST/Libreville.
Ouvrant la rencontre au nom du Ministre de la Santé et de l’Action sociale, en présence du Représentant de l’OMS, le Dr Alimata Jeanne Diarra-Nama, le Dr Pape Amadou Diack, Directeur général de la Santé, a souligné que « la violence à l’égard des femmes est devenu un grave problème de société, il s’agit d’un phénomène universel qui peut revêtir plusieurs formes : physique, verbale, morale ou psychologique ». Il a déploré le fait que les cas de violences faites aux femmes et aux filles ne soient suffisamment documentés et que les données disponibles soient collectées de façon parcellaire et ne permettent pas de cerner l’ampleur du phénomène et ses causes profondes. Pourtant, les conséquences physiques et psychologiques à court, moyen et long terme de cette violence, sont importantes. Elles vont de l’incapacité physique et psychique temporaires ou permanentes, à la perte de vies humaines en passant par le suicide, l’infection au VIH, etc.
Le Dr Diack a enfin remercié l’OMS pour la tenue de cette rencontre qui constitue un cadre privilégié d’échanges pour les acteurs sur les bonnes pratiques susceptibles de réduire la violence faite aux femmes.
Dans son allocution, le Représentant de l’OMS a déclaré que le sujet des violences faites aux femmes revêt un caractère prioritaire pour le Directeur régional de l’OMS pour l’Afrique, le Dr Luis Gomes Sambo, qui, dans le Rapport de la Commission sur la santé de la femme intitulé « Relever le défi de la santé de la femme en Afrique’ », lancé en décembre 2012, souligne que la discrimination fondée sur le sexe se traduit par les violences faites aux femmes et constitue une dégradation inacceptable des droits de la femme.
Parmi les mesures à prendre, le Directeur régional recommande une approche multisectorielle et préconise des interventions multidisciplinaires.
Pour une lutte efficace contre les violences faites aux femmes, l’OMS recommande l’approche de santé publique fondée sur les données scientifiques, l’interdisciplinarité, la multisectorialité, les trois niveaux de prévention : primaire, secondaire et tertiaire.
La forte demande en matière de prévention secondaire et tertiaire de centaines de millions de femmes victimes de la violence exercée par les partenaires intime et les violences sexuelles à travers le monde, excède de loin les ressources dont disposent les pays, même ceux les mieux nantis. D’où la nécessité de mettre l’accent sur la prévention primaire qui permet de réduire le nombre de nouveaux cas de violence en s’attaquant aux facteurs rendant probables la première manifestation de ces violences ». La prévention primaire est plus efficace et rentable, en particulier lorsqu’elle s’inspire du modèle écologique qui considère la violence comme le résultat de causes sociales, communautaires, relationnelles et individuelles, qui interagissant entre elles.
Mais le professionnel de santé est le premier point de contact pour les victimes de violences du partenaire intime ou d’abus sexuel. Les statistiques montrent que les femmes agressées utilisent les services de santé plus que celles qui ne font pas l’objet de violences. Elles identifient aussi les personnels de santé comme ceux qui ne dévoileront pas les violences qu’elles subissent.
Le secteur de la santé doit, non seulement, contribuer à la prévention des violences faites aux femmes mais, aussi, participer à l’identification de celles qui sont en danger avant que la violence ne s’intensifie, apporter des soins d’urgence, réduire les conséquences négatives des violences aux femmes sur la santé et aider les victimes à bénéficier de services juridiques et sécuritaires.
Dans les nouvelles lignes directrices cliniques et stratégiques relatives à la réponse du secteur santé en cas de violence sexuelle ou conjugale à l’encontre des femmes qu’elle a publiées, l’OMS souligne le besoin urgent d’intégrer ces questions dans la formation clinique initiale des agents de santé. L’OMS a identifié les éléments clés de la réponse de secteur médical aux violences à l’encontre des femmes et formulé plusieurs recommandations relatives à la prestation de soins. Ces recommandations doivent être adaptées au contexte local et à la disponibilité des ressources humaines, financières et autres. Fondamentalement, les agents de santé doivent avoir une écoute active, une attitude neutre et être capables de proposer aux femmes victimes de violences sexuelles ou conjugales un traitement d’urgence adapté dans un cadre privé et confidentiel. Les soins aux femmes victimes de violence doivent être, autant que possible, être intégrés aux services de santé existants et ne doivent pas constituer un service autonome.
La lutte contre les violences faites aux femmes appelle une réponse intégrée. Les autres secteurs et les organisations de la société civile ont, en effet, un rôle important à jouer dans le changement des normes sociales qui soutiennent et excusent la violence, dans la formation des enfants et des jeunes sur les compétences sociales nécessaires pour limiter les conflits et entretenir des relations saines, et dans la mobilisation des familles et des communautés pour le renforcement des réseaux de soutien social.
Les participants à l’atelier régional sur la prévention et la réponse aux violences exercées par le partenaire intime et les violences sexuelles faites aux femmes ont identifié plusieurs obstacles à la mise en oeuvre de programmes de prévention et de réponse au niveau des pays de la Région africaine de l’OMS. Il s’agit :
- des contraintes socio-culturelles
- de l’insuffisance des ressources financières et des infrastructures, notamment en milieu rural
- de l’absence de formation des acteurs, notamment les professionnels de la santé
- de la faiblesse de la coordination entre les différents secteurs
- de la rareté des données exhaustives
- de l’absence d’évaluation des interventions, en vue du passage à l’échelle des bonnes pratiques.
Violence exercée par le partenaire intime et violences sexuelles faites aux femmes