Le Kenya mène les efforts de l'Afrique pour éliminer progressivement le plomb dans la peinture.
Il souriait et riait.
Riziki et Juma avaient hâte de rencontrer leur premier bébé - alors quand il est né, leur vie s’est arrêtée. Au moins durant quelques jours.
Chaque étape marquante était un moment à chérir alors qu'ils le regardaient sourire et rire à six semaines, s'asseoir seul à sept mois et marcher à l'âge d'un an. Pour ces nouveaux parents, avoir une maison spacieuse était une décision mûrement réfléchie pour permettre à Zawadi, leur fils, de jouer sans restriction. Avant sa naissance, ils ont emménagé dans un ancien bungalow de trois chambres à coucher qu'ils ont rénové avec le temps.
« Nous voulions qu'il grandisse dans un environnement qu’il puisse explorer librement », dit Riziki.
Cependant, au cours de sa deuxième année, il y a eu beaucoup de moments moins agréables, notamment quand le couple a vu ses yeux se révulser. Zawadi a perdu la parole et sa santé s'est détériorée. Les visites du médecin n'ont pas permis d'en établir la cause. Il est devenu plus irritable, a refusé de se nourrir et a développé une régression de la parole et des convulsions. Ses parents étaient épuisés et stressés.
Après une batterie de tests sanguins, un empoisonnement au plomb a été diagnostiqué et la cause en a été attribuée aux rénovations de la maison, en particulier le travail de peinture que le couple avait entrepris. Des composés de plomb ont été ajoutés régulièrement à la peinture pour lui conférer certaines propriétés telles que la couleur et un temps de séchage plus rapide.
« Cela nous a brisé le cœur que notre fils ait été à tel point affecté par l'exposition au plomb qu'il a souffert d'une perte auditive », dit Riziki.
Le plomb s'accumule dans l'organisme et l'Organisation mondiale de la santé (OMS) constate qu'il n'existe aucun niveau d'exposition sûr connu. Il est particulièrement nocif pour les jeunes enfants. Le Dr Mbira Gikonyo, consultante, spécialiste oto-rhino-laryngologiste au Landmark Medical Plaza à Nairobi, Kenya, a traité de nombreux enfants pour empoisonnement au plomb.
Il a ainsi déclaré : « Il cause un retard mental, une perte auditive, des troubles de l'humeur, des difficultés de concentration, des troubles de la mémoire et des maux de tête. Douleurs articulaires, douleurs musculaires, douleurs abdominales et hypertension artérielle sont d'autres plaintes courantes de personnes sont exposées au métal toxique. »
La peinture au plomb est interdite dans les pays à revenu élevé depuis plusieurs décennies, mais elle est encore disponible dans de nombreux pays africains. L'OMS et l'ONU Environnement dirigent conjointement l'Alliance mondiale pour l'élimination de la peinture au plomb, qui vise à ce que tous les pays mettent en œuvre des contrôles juridiquement contraignants sur la fabrication, l'importation, la vente et l'utilisation de la peinture au plomb d'ici 2020. Au 31 août 2018, seuls six pays de la région avaient déjà adopté ou étaient sur le point d'adopter des lois restreignant l'utilisation du plomb dans les peintures.
Depuis le début de cette année, le Kenya a mis en place des contrôles juridiquement contraignants sur la teneur en plomb des peintures. Les peintures peuvent comprendre des argiles naturelles et d'autres matières premières qui contiennent des résidus de plomb ; il n'est donc pas techniquement possible de fixer une limite "zéro" pour la teneur en plomb des peintures. Le Kenya est l'un des rares pays au monde à avoir adopté la limite légale la plus restrictive pour la teneur en plomb des peintures.
Faridah Hussein Were est professeur à l'Université de Nairobi et membre du Lead Paint Alliance Advisory Council. Elle a déclaré : « Le Kenya a la plus faible teneur maximale autorisée en plomb total dans la peinture, soit 90 parts par million, ce qui est le niveau le plus protecteur pour la santé humaine et l'environnement ».
Le Kenya a également contribué à l'harmonisation des normes relatives à la teneur en plomb des peintures en Afrique de l'Est.
« L'ébauche de la norme sur les peintures et les produits connexes est actuellement soumise à l'examen du public pour commentaires avant d'être finalisée. Une fois finalisée, la norme réglementera la teneur en plomb des peintures dans les États partenaires d'Afrique de l'Est », a déclaré M. Were.
Charles Ndika Akong, chargé de la promotion de la santé environnementale au Bureau régional de l'OMS pour l'Afrique, souligne que l'élimination progressive de la peinture au plomb permettra non seulement de sauver des vies, mais aussi d'économiser des fonds.
« On estime que le coût annuel de l'exposition au plomb pour les Africains est de 134,7 milliards de dollars américains. En revanche, le coût financier de l'élimination de l'utilisation de composés de plomb dans de nombreuses peintures est faible », a déclaré M. Akong.
Cette semaine, lors d'une session parallèle à la troisième Conférence interministérielle sur la santé et l'environnement à Libreville, des représentants du gouvernement, de l'OMS, de l'ONU Environnement, des chercheurs et de la société civile ont demandé à davantage de pays africains de fixer des limites légales pour la teneur en plomb des peintures.
ONU-Environnement, l'OMS et d'autres partenaires exécuteront prochainement un projet d'Approche stratégique de la gestion internationale des produits chimiques (SAICM) financé par le Fonds pour l'environnement mondial qui vise à aider 40 autres pays dans le monde à mettre en place les mesures de contrôle légalement contraignantes nécessaires.
Pendant ce temps, Riziki regarde son fils grandir. Elle espère que l'éducation en matière de santé publique sera plus active et que l'interdiction du plomb sera mise en œuvre de manière ciblée en Afrique. « L'interdiction de l'utilisation du plomb dans les peintures et autres produits est très bonne. Il devrait y avoir plus d'efforts pour éduquer les parents sur les dangers causés par l'ingestion de plomb puisque la plupart des maisons ont encore de la peinture au plomb et de la tuyauterie », a-t-elle conclu.