Prévenir les abus et l’exploitation sexuels en Guinée

Prévenir les abus et l’exploitation sexuels en Guinée

N’zérékoré – Dans le petit village de Sinkolé, situé dans la région forestière de la Guinée, des dizaines d’hommes et de femmes se rassemblent devant une salle communautaire délabrée, un vendredi matin. Marius Djo, conseiller de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) pour la prévention des abus et de l’exploitation sexuels (PSEA), attend que tout le monde prenne place sur de vieux bancs d’école en bois disposés en demi-cercle, puis il commence son propos par une introduction animée.

« Lors d’une épidémie comme celle d’Ebola, les gens font énormément confiance aux organisations humanitaires », explique Marius Djo. « Si cette confiance est brisée parce que des humanitaires se sont livrés à l’exploitation et à des abus sexuels, non seulement cela cause d’autres dommages aux populations déjà vulnérables, mais cela peut aussi créer des barrières et, en fin de compte, entraver notre capacité à aider. Nous ne pouvons pas permettre que cela se produise. »

« La meilleure façon pour nous de nous assurer que cela ne se produira pas ici est de travailler main dans la main avec vous », dit-il à l’assemblée.

La collaboration étroite avec les communautés de la région de N’zérékoré, dans le sud-est de la Guinée, épicentre d’une épidémie de maladie à virus Ebola qui a fait son apparition dans le pays le 14 février 2021, fait partie intégrante des efforts que l’OMS et d’autres institutions des Nations Unies mènent pour mieux protéger les populations vulnérables contre les abus et l’exploitation sexuels.

Outre la sensibilisation à ces questions par des actions de proximité sur le terrain et la diffusion de matériels d’information, l’OMS a commencé à prendre un certain nombre de mesures, notamment la mise en place de « boîtes à plaintes » anonymes et la désignation de points focaux communautaires. Dans les mois à venir, l’objectif est que ces mécanismes soient déployés dans chacune des cinq localités où l’OMS mène actuellement ses activités dans la région. L’Organisation prévoit également de mettre en place un numéro vert national qui pourra être utilisé pour le signalement des abus.

« Nous ne savions pas grand-chose sur ce genre de problèmes et, même si de tels abus avaient été commis par le passé, je ne pense pas que beaucoup de femmes auraient eu le courage ou les connaissances nécessaires pour les signaler », explique Guelo Kolomou, 25 ans, qui habite à Sinkolé. « Nous sommes très heureux d’avoir été inclus dans ce nouveau processus et nous espérons que ce n’est que le début et que nous pourrons continuer à nous sentir plus autonomisés. »

Harmoniser les approches

L’OMS et ses partenaires ont aussi cherché à intensifier et à rendre systématique la formation des personnes qui entrent directement en contact avec les communautés, qu’il s’agisse des membres de leur personnel ou des agents travaillant pour le compte de 17 autres organisations non gouvernementales (ONG) locales et internationales présentes sur le terrain.

Depuis le début de l’épidémie actuelle de maladie à virus Ebola, une formation approfondie dans le domaine de la prévention des abus sexuels a été dispensée à 326 personnes travaillant sur le terrain à N’zérékoré, y compris à 49 membres du personnel de l’OMS, en plus des autres séances d’information initiales obligatoires et des modules de cours en ligne qui précèdent désormais tout déploiement effectué pour le compte des Nations Unies. Début mai, 17 représentants d’organisations telles que la Fédération internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR) et d’ONG locales comme l’Association guinéenne pour le bien-être familial (AGBF) ont suivi une autre formation de deux jours animée par Marius Djo et portant sur l’harmonisation des mécanismes d’enregistrement des plaintes communautaires.

« Nous avons appris beaucoup de choses pendant la formation », explique Mamé Kelebi, une sage-femme en service à l’AGBF. « Dans le cadre de mon travail, je travaille souvent avec de jeunes femmes et des filles, dont certaines ont été agressées sexuellement ou violées et qui viennent nous voir pour obtenir un soutien. Si elles veulent signaler tout type d’exploitation ou d’abus sexuels commis par quelqu’un du secteur humanitaire, je suis désormais mieux outillée pour y faire face. »

« C’était la première fois que je participais à ce genre de formations et il y avait beaucoup de choses que je ne connaissais pas », raconte Alpha Dienge, superviseur de l’organisation guinéenne Enfants du Globe. « Cette formation aura certainement un impact positif sur le travail que nous faisons sur le terrain et dans les relations potentielles avec les collègues qui pourraient être désignés par des plaignants. Nous savons maintenant comment éviter de devenir complices de tels actes par le silence ou par l’ignorance », ajoute-t-il.

Mi-mai, l’OMS a organisé une autre formation à l’intention de 20 personnes supplémentaires travaillant dans diverses ONG et dans des organismes publics. Des policiers, des magistrats et des médecins étaient notamment ciblés par cette formation qui portait de façon spécifique sur la prise en charge des cas de survivantes d’abus sexuels ou d’exploitation sexuelle.

Des efforts plus soutenus

Les efforts déployés en Guinée sont reproduits plus largement dans d’autres pays d’Afrique. En République démocratique du Congo, l’OMS et ses partenaires ont mené des campagnes de sensibilisation ciblant un éventail d’acteurs de la société civile et de responsables de la fonction publique, ainsi que des ONG locales. Collectivement, en République démocratique du Congo et en Guinée, environ 40 dirigeantes d’associations de femmes ont été informées des mécanismes et protocoles de prévention de l’exploitation et des abus sexuels. Un groupe de travail inter-institutions est désormais à pied d’œuvre dans les deux pays pour mutualiser les efforts et rationaliser le partage de l’information.

A Sinkolé. Après des explications détaillées et des échanges approfondis sur les nouveaux mécanismes, un point focal local a été élu et trois « boîtes à plaintes » ont été installées autour du village. Les habitants commencent à se disperser pour aller vaquer à leurs occupations. Un certain nombre d’entre eux continuent à consulter les brochures d’information en s’éloignant.

« L’OMS accorde une place centrale à la prévention de l’exploitation et des abus sexuels, parallèlement aux autres piliers de la riposte aux situations d’urgence sanitaire », indique le DGeorges Ki-Zerbo, Représentant de l’OMS en Guinée. Avant d’ajouter que « notre approche de la question met également l’accent sur les personnes vulnérables, y compris les survivants d’Ebola. »

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