Quelle est la capacité de production de vaccins de l’Afrique?
Accra, 18 mars 2021 – La vaccination contre la COVID-19 en Afrique s’accélère, avec plus de 7 millions de doses administrées jusqu’à présent. Cependant, le continent a reçu les vaccins plus tard que d’autres régions du monde et en quantités limitées. Quelques semaines après avoir lancé les campagnes de vaccination, certains pays ont presque utilisé toutes leurs réserves initiales. Le professeur William Ampofo, président de l’Initiative pour la fabrication de vaccins en Afrique, répond à nos questions sur la fabrication de vaccins en Afrique.
Quelle est l’actuelle capacité de fabrication de vaccins en Afrique ?
Il existe moins de 10 fabricants africains dans le secteur de la production de vaccins et ils sont basés dans cinq pays : l’Égypte, le Maroc, le Sénégal, l’Afrique du Sud et la Tunisie. Il y a une production en amont très limitée avec la plupart des entreprises qui ne se consacrent qu’à l’emballage et à l’étiquetage, occasionnellement au remplissage et aux étapes de finition des produits. Il est à noter qu’il existe environ 80 usines de produits stériles injectables sur le continent, ce qui peut représenter une opportunité pour la production de vaccins étant donné que le dosage posologique de base en Afrique est le flacon.
Comment cette capacité affecte la disponibilité du vaccin sur le continent ?
Quasiment toute la capacité vaccinale actuelle en Afrique est concentrée sur l’approvisionnement des marchés internes des pays avec très peu d’export. Les capacités actuelles sont modestement étendues avec une absence flagrante de capacité à grande échelle (moins de 100 millions de doses).
Comme la COVID-19 le met en évidence, cela limite sévèrement la disponibilité des vaccins lors de situations d’urgence dans la mesure où il n’est pas possible de reconvertir rapidement les usines pour une production à large échelle à travers des partenariats. Il est donc d’une importance vitale que les fabricants africains de vaccins établissent des réseaux d’approvisionnement pour exporter leurs produits vers les marchés (en Afrique et ailleurs). Les chaînes d’approvisionnement pourraient utiliser les zones économiques existantes en Afrique. Par exemple, la Communauté économique des États de l'Afrique de l’Ouest.
Comment l’Afrique se procure des vaccines et quels sont les défis ?
La plupart des pays africains sont approvisionnés en vaccins par l’UNICEF, avec le soutien de Gavi l’Alliance du vaccin, avec moins de 10 pays qui sont auto-suffisants en termes d’acquisition de vaccins. Cela a mené à une modélisation très spécifique des marchés du vaccin en Afrique où plus d’1,5 milliard de doses sont fournies à travers l’UNICEF.
Par conséquent, cela représente d’énormes défis lorsqu’il s’agit d’essayer d’établir des industries durables du vaccin en Afrique, ce qui nécessiterait idéalement un soutien à l’achat anticipé par les gouvernements africains. Dans le cadre de l’actuelle dérogation, cela n’est tout simplement pas possible lorsque la plupart des pays n’achètent pas leurs propres vaccins et donc ne peuvent pas s’engager à acheter des vaccins fabriqués localement.
Quels sont les obstacles à l’autosuffisance africaine en vaccins ?
Le principal obstacle est la façon dont les marchés de vaccins sont structurés en Afrique. Sans l’engagement et le soutien à l’achat de vaccins fabriqués en Afrique, il sera toujours compliqué de construire une industrie durable capable de produire des doses de vaccin à l’échelle suffisante.
C’est là que les gouvernements africains, les organisations continentales telles que l’Union africaine et d’autres parties prenantes peuvent faire la différence. Le système actuel requiert un pas de côté et une revue complète pour permettre que cette capacité, qui est si désespérément nécessaire, soit établie tel que le montrent la COVID-19 et les retards malgré les meilleurs efforts du Mécanisme COVAX.
La fabrication de vaccins est complexe et nécessite d’énormes investissements financiers ainsi qu’une vision à long terme. C’est une course de fond, pas un sprint. Il faut commencer en ayant la fin à l’esprit, c’est-à-dire le marché du vaccin en Afrique et la façon dont l’acquisition et l’approvisionnement des vaccins se fait actuellement. Il faut se concentrer sur les problèmes centraux, tels que l’innovation financière, permettre les capacités réglementaires régionales d’assurer la qualité et des éléments techniques critiques parmi lesquels le développement des compétences, le transfert technologique et les partenariats pour le développement de produits, ainsi que la conception et l’établissement d’un mécanisme de bonnes pratique de fabrication.
Comment la mise au point et la fabrication de vaccins peuvent-elles être amplifiées ?
Ce qu’il faut bien comprendre dès le départ est que, lorsqu’il s’agit de mettre en place une capacité de production de vaccins à l’échelle qui répond aux standards mondiaux actuels, l'ensemble est plus performant que la somme des parties. Nous ne pouvons pas simplement nous intéresser aux différents éléments séparément ou dans des compartiments et penser que nous pouvons adopter une approche linéaire du problème.
La capacité à produire des vaccins nécessite une approche entièrement intégrée, en activant en même temps les éléments déjà cités (finance, développement des compétences, structures, savoir-faire technologie, etc).
Il peut être utile de penser cela comme une pièce de monnaie avec deux faces. D’un côté, il y a ce que l’on peut considérer comme des problèmes techniques : structures, systèmes de qualité, développement des compétences, etc. De l’autre, les problèmes de financement, le marché et les canaux d’acquisition sont les plus essentiels.
Donc, pour l’Afrique, en se concentrant spécifiquement sur les aspects techniques, ce qui peut fonctionner le mieux est d’établir d’abord ce qu’on appelle des capacités de remplissage/finitions, aussi appelées fabrication de produits médicamenteux. Cela permettrait à une collaboration avec de multiples partenaires pour des produits multiples d’utiliser une seule ligne de formulation/remplissage.
Puis, avec une approche par étapes, un soutien aux chaînes de valeur de fabrication de vaccins et l’installation d’une capacité à produire des substances médicamenteuses : des antigènes ou des ingrédients pharmaceutiques actifs. Cette approche gère les risques d’investissements initiaux et construit le savoir-faire industriel d’une manière gérable.
L’actuelle pandémie de COVID-19 représente une opportunité considérable d’exploiter les divers débats et propositions en une feuille de route d’actions menée par l’Union africaine et les organisations régionales qui mènera à une production accrue de vaccins en Afrique afin de faciliter la vaccination contre les maladies infantiles et le contrôle des épidémies de pathogènes hautement infectieux.