Au Tchad, les étudiants en médecine sont appelés en renfort pour aider au suivi des personnes contact
N’Djamena – Pour pallier un manque de personnels de santé et faire face à la pandémie de la COVID-19, le ministère de la Santé publique et de la Solidarité nationale du Tchad a fait appel aux étudiants en médecine. Les étudiants ont ainsi contribué à combler le manque de personnel soignant, mais aussi à désengorger les hôpitaux et les centres de santé, déjà saturés par des malades hospitalisés pour d’autres pathologies.
Formés par le ministère avec le soutien de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) au suivi des personnes placées en quarantaine, près de 190 jeunes futurs cliniciens, infirmiers et sociologues sont venus en renfort des médecins et des épidémiologistes. Leur intégration aux équipes de suivi a permis d’assurer une meilleure investigation des cas, ainsi que le contrôle et la surveillance des voyageurs aux points d’entrée de N’Djamena, dont l’aéroport international, et dans les provinces.
Le soutien des étudiants a été rendu nécessaire par le faible nombre de médecins dans le pays. En effet, le Tchad compte 4,3 médecins et 23,2 infirmiers pour 100 000 habitants, dont la majorité se trouve dans la capitale N’Djamena. La norme de l’OMS est respectivement de 23 médecins et 23 infirmiers pour 10.000 habitants.
L’OMS a apporté son appui technique aux formations en investigation sanitaire et a équipé les jeunes recrues avec des gants, des masques, des thermomètres frontaux infrarouges sans contact et des fiches de suivi de contact.
« Les étudiants nous signalent si une personne présente des signes de la maladie, ce qui nous permet de la tester et de la traiter très rapidement », explique Dr Mahamat Tahir Abakar, vice-président de la Commission Surveillance et Prise en charge de la COVID-19.
Cette stratégie de suivi a porté ses fruits : après un pic du nombre de cas confirmés début mai, le Tchad a réussi à réduire significativement le nombre de cas documentés, tout en maintenant des mesures restrictives aux frontières et d’ouverture des lieux publics.
Suite la détection d’un premier cas de COVID-19, arrivé par voie aérienne le 19 mars 2020, le virus s’est propagé et une première transmission locale a été détectée le 6 avril dans la capitale. A la date du 12 octobre 2020, le Tchad comptait 1308cas confirmés, dont 92 décès. Près de 88 % des cas confirmés positifs à la COVID-19 ont été guéris.
« L’idée d’intégrer des étudiants aux équipes d’intervention a fait déjà ses preuves au Tchad dans d’autres stratégies de lutte, comme lors de campagnes de vaccination contre la rougeole », explique Dr Jean Bosco Ndihokubwayo, Représentant de l’OMS au Tchad. « L’accumulation d’expérience par ces étudiants est un plus pour le pays, dont le système de santé manque de personnel de santé, car faire face à une épidémie nécessite de mobiliser énormément de ressources humaines. »
Néanmoins, contenir l’épidémie ne va pas sans difficultés. « Parmi les personnes mises en quarantaine, certaines refusent d’être suivies par peur d’être stigmatisées », confirme ainsi Amandine Daoual Tapol, une étudiante en septième année de médecine à la Faculté de science et de la santé humaine de Ndjamena. « D’autres ne veulent pas coopérer. Nous faisons donc un travail de sensibilisation avec l’aide des équipes de psychosociologues qui nous accompagnent. »
Il arrive par exemple que certaines personnes fournissent des coordonnées erronées afin d’être injoignables. D’autres s’échappent des sites de quarantaine, au risque de propager le virus. « Toutes ces difficultés nous font perdre un temps précieux », regrette Franklin Roundouba, un étudiant en sixième année de médecine.
Les jeunes recrues font face à la méfiance d’une partie de la population. Ainsi, déplore Franklin Rondouba, « en sillonnant les quartiers, nous sommes parfois interpellés sous des noms tels que ‘COVID-19, ‘coronavirus’ ».
Les équipes de suivi de contacts déployées par le ministère de la Santé publique et de la Solidarité nationale doivent aussi composer avec des difficultés pratiques : l’accès aux quartiers périphériques de la capitale est compliqué par l’arrivée des pluies et les réseaux téléphoniques ne permettent pas toujours de communiquer dans certaines zones reculées. « Nous assurons le suivi médical de plus de 95 % des contacts », estime néanmoins Dr Mahamat Tahir Abakar.
A force de persévérance, les étudiants parviennent à convaincre les patients du bien-fondé de leur démarche. « Nous prenons toujours le temps d’expliquer qu’être malade de la COVID-19 n’est pas une fatalité », raconte Franklin Rondouba. Une fois les premières réticences vaincues, les équipes de suivi se révèlent être de précieux soutiens pour les patients déboussolés. « Avec certains contacts, la solitude du confinement a fait que nous avons tissé des liens, ils nous appellent parfois la nuit quand ils se sentent seuls ou sont pris de panique. »