Célébration de la Journée mondiale contre le Cancer
Le Sénégal enregistre un nombre élevé de cas de cancer, sous-estimé, et une forte mortalité liée à cette maladie
Le Sénégal enregistre chaque année environ 7 000 nouveaux cas de cancers chez les adultes et près de 800 nouveaux cas chez les enfants. Ce nombre de cas qui, selon les spécialistes, est sous-estimé est responsable d’une forte mortalité liée à plusieurs causes. Il s’agit de la consultation et du diagnostic tardifs (12 mois en moyenne entre l’apparition des premiers symptômes et la première consultation), du stade très avancé de la maladie dans 70 à 80% des cas, ce qui réduit considérablement les chances de guérison, de l’abandon du traitement en raison de son coût élevé et de la fatalité liées aux croyances.
Cet état des lieux a été fait le 04 février 2014 à Dakar par le Pr Mamadou Diop, Directeur de l’Institut du Cancer, en introduction à la rencontre d’échanges entre les décideurs, les partenaires, les professionnels de la santé, les organisations de la société civile et les media autour de la lutte contre le cancer au Sénégal. La rencontre était organisée à l’occasion de la célébration de la Journée mondiale contre le cancer sur le thème « Dissiper les préjugés et les idées préconçues concernant le cancer, et comme slogan « Démystifier les mythes».
Pour remédier à cette pénible situation, le Pr Diop a identifié les principaux défis à relever : la mise en place d’un registre du cancer, l’archivage adéquat des données, le renforcement des infrastructures et des équipements et la disponibilité de ressources humaines qualifiées, la subventions des médicaments, la décentralisation des activités de consultations et de la prise en charge au niveau des hôpitaux régionaux, des centres et postes de santé. Le Directeur de l’Institut du Cancer a aussi recommandé le développement de la prévention primaire par la mise en oeuvre de programmes d’information et de sensibilisation des populations sur les facteurs de risque, notamment l’usage du tabac, la mise en place d’une offre de service pour le sevrage tabagique, la vaccination contre le HPV, l’organisation d’activités de dépistage.
Si le nombre de cas de cancer est également élevé chez les enfants, fort heureusement la situation de la prise en charge des patients est plus satisfaisante, même si des améliorations sont nécessaires. En effet, selon le Pr Claude Moreira, Directeur de l’Unité d’Oncologie pédiatrique de l’hôpital Le Dantec, les médicaments y sont gratuits, l’hôpital subventionne les frais d’hospitalisation et le taux de guérison est élevé. En 2013, la structure a pris en charge 215 enfants, soit le 1/3 des enfants atteints de cancers au Sénégal, contre 40 enfants en 2004.
Parmi les obstacles à la prise en charge, le Pr Moreira a cité la pauvreté des populations, le manque d’informations, l’utilisation non optimale des ressources techniques et médicales, la faiblesse du travail en équipes multidisciplinaires et le manque de motivation des professionnels de santé à se spécialiser dans la lutte contre le cancer en raison du faible niveau de priorité qui était jusque-là accordée à cette maladie. Le silence qui entoure la maladie, l’absence de symptômes dans certains cas, la conviction du grand public qu’on ne peut rien faire pour une personne atteinte de cancer et que les soins lui sont inaccessibles constituent aussi des contraintes majeures.
En ouvrant la rencontre d’échanges entre les décideurs, les partenaires, les professionnels de la santé, les organisations de la société civile et les media autour de la lutte contre le cancer au Sénégal, le Directeur général de la Santé a souligné la volonté politique des autorités nationales. Il a souhaité le développement du partenariat avec les media et la société civile pour le renforcement de l’information et de la sensibilisation des populations en matière de santé, sur le cancer en particulier.
Selon le Dr Papa Amadou Diack, le département de la santé prévoit de saisir prochainement le Conseil national de régulation audiovisuel pour un meilleur encadrement de la publicité concernant certains produits alimentaires et la médecine traditionnelle. Il a ajouté que des négociations sont en cours entre le ministère de la Santé et de l’Action et l’industrie pharmaceutique pour améliorer l’accessibilité financière de certains médicaments anti-cancéreux.
Au nom du Représentant de l’OMS, le Dr Alimata Jeanne Diarra-Nama, le Dr Malang Coly, chargé de la lutte contre la Maladie au Bureau OMS pays a accès son intervention sur le contenu du message du Directeur régional de l’OMS pour l’Afrique, le Dr Luis Gomes Sambou. Il a souligné que le cancer n’est pas seulement une maladie des pays riches et des personnes âgées mais il affecte aussi les personnes de tous les âges, quel que soit le pays. Il a précisé que nombre de cas de cancer dans le monde devrait doubler dans les 20 à 30 prochaines années. Les pays africains porteront la plus grande charge de la maladie alors qu’ils sont les moins capables de faire face aux défis du cancer. La désinformation, les mythes, les idées préconçues et les préjugés sur le cancer sont autant d’obstacles à lever. D’où le thème choisi en 2014 pour la célébration de la Journée mondiale contre le cancer.
Interviewé par la presse sur l’action de l’OMS dans la lutte contre le cancer, le Dr Coly a indiqué qu’elle appuie les pays dans la collecte des données sur les facteurs de risque en mettant à leur disposition des outils, dans la surveillance épidémiologique, la définition des stratégies de prévention et de prise en charge, la formation des personnels, la définition des normes alimentaires, le plaidoyer pour la mobilisation de ressources financières par l’Etat et les partenaires au développement.
Au cours des échanges entre les responsables du ministère de la Santé et de l’Action sociale, les professionnels de la santé, les membres de la Société civile et les media, divers points ont été soulevés. Il s’agit de la nécessité de disposer des statistiques fiables sur les cas de cancer, de l’urgence de rendre gratuits les médicaments anti-cancéreux, du cancer de la cavité bucco-dentaire, de l’importance des soins palliatifs pour respecter la dignité humaine, du besoin de soutien psychologique des patients, de la nécessité de fédérer les multiples associations de la société civile qui s’activent dans la lutte contre le cancer.
Les autres préoccupations abordées concernent l’albinisme et le cancer, l’aflatoxine, la publicité incontrôlée et mensongère sur les media, l’absence de prévention du risque de toxicité en milieu professionnel, l’absence de politique de dépistage des lésions précancéreuses, de politique de lutte contre la douleur et l’insuffisance du financement de la lutte contre le cancer. Dans une communication intitulée « Plan opérationnel de lutte contre le cancer », le Pr Marie Kâ Cissé, Chef de la Division de la lutte contre les maladies non transmissibles, a fait ressortir les points faibles qui recoupent ceux déjà évoqués plus haut. Elle a ensuite passé en revue les actions concrètes que le ministère de la Santé et de l’Action sociale envisage de prendre. Ces actions sont l’élaboration et la mise en oeuvre d’un Plan de communication, la vaccination contre l’hépatite B à la naissance, l’exécution, en 2014, du projet de démonstration de la vaccination contre le papillome humain dans deux districts sanitaire, avant sa généralisation.
Le Pr Cissé a particulièrement insisté sur la formation des médecins et sages-femmes à la détection des lésions précancéreuses, le recrutement de radiothérapeutes, la mise à disposition de bourses de formation de spécialistes du cancer, le démarrage d l’enregistrement du cancer dans dix hôpitaux régionaux.
Au chapitre des projets, il y a la création d’un nouvel Institut du Cancer, la création de pôles de cancérologie ainsi que l’application de stratégies de financements innovants en faveur de la lutte contre le cancer.