Agir pour préserver la santé des personnes déplacées internes au Burkina Faso
Ouagadougou – Issa Dicko, 52 ans, vit à présent bien loin de sa région natale. Père de 22 enfants, il explique avoir été obligé de fuir de chez lui pour sauver sa vie et protéger sa famille. « Avec les attaques terroristes à répétition, je ne me sentais plus en sécurité. On ne sait jamais quand ils vont attaquer, on est toujours sur le qui-vive. Et personnellement, j’étais devenu une cible. J’étais accusé d’être impliqué dans le fétichisme, ce qui m’a exposé à des menaces donc j’ai dû prendre la route avec ma famille. »
Depuis 2015, le Burkina Faso fait face à une crise sécuritaire sans précédent causée par des violences armées. De multiples attaques perpétrées pour la plupart contre les civils ont occasionné un déplacement massif de plus d’un million de personnes, des pertes en vie humaine et des fermetures des services sociaux. Parmi les régions les plus touchées du pays figure le Sahel. A ce jour, 344 569 personnes déplacées y sont signalées. C’est là qu’Issa Dicko s’est retrouvé avec sa famille, installés à présent dans le camp des personnes déplacées internes (PDI) de Wendou à la périphérie de la ville Dori.
Forcés à partir mais demeurant dans leur pays, ces déplacés sont exposés à de multiples difficultés, dont un accès difficile ou insuffisant aux services de santé de base. L’insécurité montante a en effet mis à mal l’accessibilité aux structures sanitaires et l’offre de soins de qualité. 47 formations sanitaires sont actuellement fermées dans la région du Sahel, privant 532 431 habitants d’accès aux soins.
Face à cette situation, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et les autres partenaires du Cluster Santé et Nutrition comprenant des ONG internationales et nationales, accompagnent les autorités sanitaires dans leurs efforts pour la prise en charge adéquate de la santé des PDI.
L’appui de l’OMS porte notamment sur la fourniture de services de santé au profit des populations affectées par la crise comme l’explique la Représentante de l’organisation au Burkina Faso, Dr Alimata Diarra Nama : « L’un des axes principaux du plan de réponse humanitaire de l’OMS est centré sur l’offre de services de santé dans les zones de crise et permet de fournir aux populations vivant dans ces zones un meilleur accès à des services de santé essentiels et de qualité, tout en renforçant les systèmes de santé et les capacités au niveau local. Ce qui est important face aux urgences sanitaires, c’est de réagir rapidement et d’adapter notre réponse au contexte. »
Les principales interventions de l’OMS au profit des personnes déplacées sont particulièrement focalisées sur la coordination des actions sanitaires des partenaires, l’appui à la surveillance épidémiologique des maladies à potentiel épidémique, la dotation en kits d’urgence sanitaire pour leur prise en charge gratuite et le renforcement des compétences des agents de santé pour une meilleure prise en charge des patients.
Avec l’appui de l’OMS et des partenaires, 9 postes de santé ont déjà été ouverts dans les zones de la région du Sahel où vivent les personnes déplacées, et des agents de santé ont été recrutés au niveau local notamment dans les villes de Djibo, Arbinda et Gorom-Gorom pour appuyer leur fonctionnement.
Dans ces postes de santé ainsi que dans les camps de déplacés, l’approche communautaire est privilégiée, comme l’explique Dr Hamadou Seogo, Consultant de l’OMS pour la région du Sahel : « Les agents de santé viennent en grande majorité de la communauté elle-même. C’est le cas par exemple du personnel conduisant les activités de vaccination, la surveillance à base communautaire et la Prise en Charge Intégrée des Maladies de l’Enfant (PCIME) dans les zones à sécurité précaire, ainsi que des femmes volontaires formées pour les accouchements. Ces agents communautaires travaillent sous la supervision des districts et de la Direction régionale de la santé du Sahel. »
A Wendou, Issa Dicko salue la démarche des agents communautaires : « Ils sont présents parmi nous et nous donnent des conseils pour sauvegarder notre santé. Ils nous expliquent par exemple comment assurer l’hygiène de l’eau, et ils nous distribuent des moustiquaires. Plusieurs maladies telles que la méningite, la rougeole et la dengue sont identifiées parmi la population et traitées. »
Tout comme Issa, Amado Abdoulaye a aussi dû fuir de chez lui à cause des attaques terroristes. Il vit à présent dans un camp à Gorom-Gorom avec ses enfants, et apprécie fortement l’appui reçu : « Les agents de santé ont vacciné mes enfants qui n’étaient pas à jour. Ils prennent en charge les femmes qui sont en état de grossesse et les aident à accoucher en toute sécurité. Ils font beaucoup d’efforts pour nous et donnent de la nourriture aux enfants malnutris. Nous les remercions pour leurs actions au quotidien pour préserver notre santé et celle de notre famille. »
Depuis la survenue de la pandémie de COVID-19 en mars 2020, les interventions humanitaires dans les sites ont été ajustées pour incorporer la prévention et le contrôle des infections, et surtout la sensibilisation. « Dès le départ, nous avons adapté notre réponse. Lorsque nous arrivons sur les sites, nous commençons par échanger avec le chef du village et solliciter son autorisation et son appui avant de nous adresser à la population. Ensuite nous organisons les causeries avec la communauté, autour des gestes barrières, leur importance, la gravité de la maladie, etc. », explique Dr Seogo. « Ces interventions sont salutaires car environ 285 cas confirmés de COVID-19 ont déjà été détectés et pris en charge, et aucun décès n’a été enregistré à ce jour. »
Pour Issa et d’autres qui, comme lui, ont été forcés à vivre loin de chez eux, les soins qu’ils reçoivent sont comme une bouffée d’air frais. « Nous avons dû fuir de chez nous, nos enfants ont été traumatisés, nos vies ont été bouleversées. Mais grâce à l’appui que nous recevons quotidiennement, nous pouvons vivre dignement et rester en bonne santé, en attendant de rentrer un jour chez nous. »