Le m-Diabète, un programme innovant pour améliorer la santé des diabétiques au Sénégal
On estime à 422 millions les personnes qui vivent avec le diabète dans le monde. Un nombre qui passera à 622 millions d’ici 2040 selon les prévisions de l’OMS. La plupart vivent dans les pays en développement. Le nombre de personnes diabétiques est en progression notamment en Afrique où de 3 adultes sur 100 atteints de diabète en 1980, on est passé en 2014 à 7 adultes sur 100.
Au Sénégal, on estime que 400 000 personnes sont diabétiques; mais seulement 40 000 d’entre elles ont été diagnostiquées et suivent un traitement. Khady, 43 ans, et Gaye 24 ans, font partie des cas diagnostiqués, qui suivent un traitement. Khady a été déclarée diabétique en 1993 et Gaye en 2010. Tous les deux souffrent de diabète de type 1. Il s’agit d’un diabète appelé diabète insulino-dépendant et habituellement découvert chez les sujets jeunes. Ses symptômes ou signes peuvent être les mêmes que ceux du diabète de type 2. Le diabète de type 2 survient généralement chez les sujets adultes après la cinquantaine, et touche plus les personnes obèses ou en surpoids.
Khady et Gaye mangeaient beaucoup, mais perdaient du poids. Ils avaient intensément soif, donc buvaient abondamment et urinaient énormément. Ces signes, très évocateurs du diabète, ont permis de poser le diagnostic dans chacun de leur cas.
Le diabète apparait quand le glucose (sucre) ne pouvant entrer dans les cellules retourne dans le sang et que son taux alors augmente. Il peut être héréditaire comme c’est le cas en ce qui concerne le type 1. Khady et Gaye ont hérité du gêne du diabète de type 1. Il leur aura fallu faire des analyses médicales pour se rendre compte finalement de l’évidence et n’avoir d’autres choix que de vivre avec cette maladie chronique qui ne guérit pas.
Vivre avec le diabète, un défi au plan financier
Le régulateur de la glycémie (taux de glucose ou de sucre dans le sang), c’est l’insuline. L’insuline est une substance de l’organisme fabriquée par le pancréas et qui a pour fonction principale d’empêcher le taux de glucose de monter trop haut. Chez le diabétique, soit elle fait défaut parce que son pancréas n’en produit pas suffisamment ou bien elle n’est pas correctement utilisée par son organisme. Le principal traitement consiste donc à lui injecter de l’insuline et ainsi à contrôler la glycémie.
Dans le cas de Khady, ce traitement consiste en une injection d’insuline une fois par jour accompagnée d’un régime alimentaire strict essentiellement composé de crudités ou de légumes, de viandes sans graisse, de poissons ou de poulets à volonté. Quant à Gaye, il doit suivre le même régime alimentaire avec une injection d’insuline deux fois par jour. Dans les deux cas, la pratique d’une activité physique régulière leur est recommandée. Khady fait donc une activité physique tous les dimanches, et Gaye pratiquement tous les jours.
Toutefois, ce n’est pas tout. Tous les deux doivent aussi se soumettre à un suivi médical régulier. Khady doit voir le médecin chaque mois et Gaye chaque 6 mois. En fin de compte, il leur faut débourser entre FCFA 60 000 et 100 000 par mois pour éviter les complications du diabète de type 1. C’est très coûteux pour tous les deux. Khady est sans emploi; Gaye est un étudiant en gestion et comptabilité.
« Le projet m-Diabète est un bon projet en particulier pour les personnes qui n’ont pas beaucoup de moyens »
Le programme m-Diabète est une composante du plan national de lutte contre le diabète du Ministère de la Santé et de l’Action Sociale au Sénégal. Le programme fait partie de l’initiative de l’OMS « Be He@lthy, Be Mobile ». Cette initiative vise à accélérer la prévention et la maitrise de certaines maladies non transmissibles et de leurs facteurs de risques. Dans le cas du Sénégal, l’objectif est de prévenir le diabète et ses complications par l’utilisation de la téléphonie mobile. Le programme a été lancé conjointement par l’OMS, le Ministère de la santé et de l’Action sociale et l’Union Internationale des Télécommunications (UIT).
L’un des objectifs est d’aider, par la téléphonie mobile, les diabétiques connus ou dépistés à mieux gérer leur maladie pour en ralentir l’évolution, diminuer les complications et préserver leur qualité de vie. Il est possible de les atteindre dans ce pays où près de 90% de la population a un téléphone mobile.
Au Sénégal depuis 2014, le programme bénéficie de la collaboration du Ministère des Postes et Télécommunications, d’opérateurs de téléphonie mobile et d’acteurs de la santé tels que l’Association sénégalaise de soutien aux diabétiques (ASSAD), un partenaire essentiel du dispositif. Durant la première phase du programme de 2014 à 2015, dont le temps fort aura été le mois du ramadan 2015, 12 000 personnes, qui ont fait connaître leur souhait de participer au programme sur l’ensemble du territoire national, ont reçu des messages sms sur leur téléphone cellulaire. Un message sms leur a été envoyé chaque jour pendant quatre semaines avant pour les aider à se préparer à ce mois de jeûne et pendant le mois de jeûne, plus que deux messages par semaine.
Khady et Gaye ont effectivement reçu des sms sur leur téléphone mobile avant, pendant et après le ramadan 2015. Ils en recevaient également avant et pendant ce ramadan 2016, ce qui était une bonne nouvelle certainement pour l’entourage de Gaye notamment, car pour ce ramadan, il pouvait encore jeûner. Il lui suffisait de suivre les conseils gratuitement prodigués via son téléphone mobile. Avant le ramadan, il recevait ce message : « Vous êtes diabétique, bientôt le Ramadan ! Consultez maintenant votre médecin : si votre glycémie est entre 0,90g/l et 1,20g/l vous pourrez sûrement jeûner » ; il a fait ce qui lui était recommandé. Pendant le ramadan, dès qu’il recevait le message suivant: « Prenez dès maintenant l’habitude de contrôler tous les jours votre glycémie au moins matin et soir ; objectif : glycémie avant le repas, entre 0,90g/l et 1,20 g/l », il se souvenait aussitôt qu’il devait contrôler sa glycémie avant le repas et s’exécutait.
Le programme m-Diabète permet à Khady et Gaye, de surveiller leur glycémie, de veiller également à avoir un régime alimentaire équilibré, car ils sont régulièrement tenus en alerte par les messages qu’ils reçoivent à ce sujet. Donc, à moindre coût ils ménagent leur santé et ont une meilleure qualité de vie depuis le début du programme m-Diabète. Khady affirme : « le projet m-Diabète est un bon projet en particulier pour les personnes qui n’ont pas beaucoup de moyens ». Elle a fait une expérience formidable dans le cadre de ce programme. Avant, elle prenait 10 unités d’insuline par jour. Grâce au programme, qui lui a permis d’améliorer son régime alimentaire via les messages sms qu’elle recevait, de 10 unités d’insuline par jour, elle est passée aujourd’hui à 6 unités d’insuline par jour. Sa glycémie est devenue normale et elle se sent beaucoup mieux. « Suivre correctement les conseils reçus par sms aident ceux, qui n’ont pas les moyens, à réduire le coût de leur traitement. » conclut – elle.
Le m-Diabète est un outil efficace de réduction des inégalités d’accès aux soins pour des raisons financières, mais aussi géographiques et sociales. Il est prévu dans la deuxième phase du programme, couvrant la période 2016 - 2017, des sms en langues nationales ou vocaux. Khady pense qu’il serait vraiment intéressant d’avoir des messages, envoyés à la population générale comme aux patients, qui ne soient pas seulement textuels, mais aussi vocaux en particulier pour les analphabètes ou ceux qui ne savent ni lire, ni écrire.
Permettre à tous de vivre en bonne santé et promouvoir le bien-être de tous à tous les âges est le 3ème Objectif de Développement Durable de l’Organisation des Nations Unies. Avec le programme m-Diabète, intégrant les applications de la téléphonie mobile et touchant directement les populations, l’OMS et son partenaire UIT ont fait une avancée dans l’atteinte de cet objectif.