Tous mobilisés pour le vote de la nouvelle loi anti-tabac au Sénégal
Le vote par l’Assemblée nationale du Sénégal, en mars 2014, de la loi relative à la fabrication, au conditionnement, à l’étiquetage, à la vente et l’usage du tabac est à la fois la manifestation de la volonté politique et le résultat d’un long processus de plaidoyer soutenu par le Ministre de la Santé et l’OMS.
Le cri du cœur des élèves
Agée de 13 ans, R. Gaye est élève au Collège privé « Notre Dame » à Dakar. C’est avec beaucoup de fierté et d’engouement qu’elle a accepté d’être le porte-parole de ses 200 camarades, en provenance du même établissement et du Collège public « Lamine Guèye », dopée par l’encadrement dont elle a bénéficié de ses maîtres et de l’Inspection médicale des Ecoles. C’est ce qui explique, sans doute, l’aisance et la sérénité avec lesquelles R. Gaye a lu le texte de son plaidoyer en faveur de l’adoption du projet de nouvelle loi anti-tabac le 31 mai 2013, à l’Assemblée nationale du Sénégal, à l’occasion de la célébration de la Journée mondiale sans tabac sur le thème « Tabac : Interdire la publicité, la promotion et le parrainage ».
C’est un véritable cri du cœur que R. Gaye a lancé aux autorités aux députés en ces termes : « Nous voyons à Dakar des signes ostentatoires de richesses d’une industrie du tabac en bonne santé. Les milieux sportifs et associatifs sont pris en otage par un sponsoring savamment organisé. Les parents fument à la maison devant les enfants, les enseignants empruntent des briquets aux élèves, les personnels de santé fument sur leur lieu de travail. Les jeunes cherchent à rassembler à tout ce beau monde et exhibent les paquets de cigarettes et gadgets à la mode ». R. gaye a conclu son réquisitoire contre l’industrie du tabac par cet appel aux décideurs : « Si les forces vives de ce pays ne réagissent pas, nous les jeunes commençons notre croisade contre le tabac. Au nom de tous les jeunes, nous invitons la Représentation nationale et le Gouvernement à se joindre à nous».
Le poids de l’assistance technique de l’OMS
Le Bureau de l’OMS a apporté au Ministère de la Santé et de l’Action sociale un appui technique conséquent sous différentes formes : préparation du projet de loi anti-tabac, missions d’experts, sensibilisation et mobilisation de la société civile, plaidoyer auprès des autorités et des parlementaires, fourniture d’informations. Les statistiques de l’OMS ont pesé lourd dans le plaidoyer. Le document intitulé « Données sur le tabagisme dans la Région africaine », publié par l’OMSAFRO en 2012, indique que près de 11,5 % de la population de cette zone géographique sont des consommateurs de tabac, tous sexes confondus. Au sein de la population jeune, 18 % consomment actuellement des produits du tabac, et le taux d’utilisation de produits du tabac autres que la cigarette s’élève à 11,6 %. Près de la moitié des jeunes (48,2 %) sont également victimes du tabagisme passif dans les lieux publics. Le tabac tue jusqu’à la moitié de tous ses consommateurs et demeure l’une des principales causes de décès évitable, que l’épidémie mondiale de tabagisme tue chaque année près de six millions de personnes, dont plus de 600 000 sont des non-fumeurs victimes du tabagisme passif.
Les professionnels de la santé pour le renforcement de la prévention
Les professionnels de la santé ont également joint leur voix à celle de l’OMS et des élèves pour réclamer du Gouvernement sénégalais qu’il mette un terme aux dégâts engendrés par la consommation du tabac. Une étude réalisée par le Service de Pneumologie du CHU Fann en 2010, dans quatre grands hôpitaux de Dakar, a montré une prévalence de 12,8% de fumeurs parmi les personnels de santé.
D’autres études parcellaires montrent que les jeunes garçons et filles entrent dans le tabagisme à l’âge de 16 ans, en moyenne, sous l’influence de la publicité dans 20 à 35% des cas.
En 2012, sur 811 malades hospitalisés dans le service, 33 cas de cancers broncho-pulmonaires, 30 cas de BPCO, deux maladies principalement liées au tabagisme et responsables d’un lourd handicap, ont été décelés. Etant donné les résultats décevants de la prise en charge de ces deux pathologies dans les pays en développement, dont le Sénégal, le Service de Pneumologie du CHU de Fann a recommandé aux autorités nationales l’organisation de campagnes d’information et de sensibilisation en direction des jeunes, la subvention des médicaments pour les personnes qui ont décidé d’arrêter de fumer, la réalisation d’études plus exhaustives sur la prévalence du tabagisme.
La contribution des ONG récompensée par l’OMS
« Je suis honoré de ce recevoir cet important Prix qui récompense les sacrifices de centaines de femmes et d’hommes qui, sans moyens, résistent au tabagisme. Je le remettrai au Ministre de la Santé et de l’Action sociale pour lui exprimer notre immense espoir que la nouvelle loi anti-tabac sera bientôt votée sans les modifications pernicieuses que l’industrie du tabac veut y apporter» ». C’est ce qu’a déclaré le Président de la Ligue sénégalaise contre tabac (LISTAB) en recevant en 2012 le Prix pour la lutte anti-tabac décerné par l’OMS à l’occasion de la célébration de la Journée mondiale sans tabac. L’objectif est reconnaitre et mettre en exergue la contribution exceptionnelle apportée par une personne ou une organisation dans la lutte anti-tabac, à travers le monde.
Les 14 associations membres de la LISTAB se sont particulièrement distinguées par de nombreuses actions de plaidoyer et de sensibilisation menées auprès des décideurs politiques, des parlementaires, des autorités religieuses, d’organisations socio-professionnelles et au niveau des établissements scolaires.
Le vote majoritaire des parlementaires de la nouvelle loi anti-tabac
Touchés et convaincus par l’interpellation des élèves, les arguments techniques de l’OMS et des professionnels de la santé et le plaidoyer de la société civile, les parlementaires ont voté le 14 mars 2004 la loi relative à la fabrication, au conditionnement, à l’étiquetage, à la vente et à l’usage du tabac. Elle a été signée le 28 mars 201 par le Président de la République.