Journée mondiale sans Tabac 2013
Les élèves, les jeunes, les acteurs de la société civile et les professionnels de la santé réclament auprès des Députés le vote du projet de nouvelle loi anti-tabac
Agée de 13 ans, R. Gaye est élève au Collège privé « Notre Dame » à Dakar. C’est avec beaucoup de fierté et d’engouement qu’elle a accepté d’être le porte-parole de ses 200 camarades, en provenance du même établissement et du Collège public « Lamine Guèye », dopée par l’encadrement dont elle allait bénéficier de ses maîtres et de l’Inspection médicale des Ecoles. C’est ce qui explique, sans doute, l’aisance et la sérénité avec lesquelles R. Gaye a lu le texte de son plaidoyer en faveur de l’adoption du projet de nouvelle loi anti-tabac le 31 mai 2013, à l’Assemblée nationale du Sénégal, à l’occasion de la célébration de la Journée mondiale sans tabac sur le thème « Tabac : Interdire la publicité, la promotion et le parrainage ».
La rencontre de plaidoyer a été présidée par le Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, en présence du Secrétaire général du Ministère de la Santé et de l’Action sociale, du Représentant de l’OMS, du Directeur général de la Santé, du Président de la Commission Santé, Affaire sociales et Solidarité nationale du Parlement, du Directeur de la Prévention, du Conseiller chargé de la lutte contre la Maladie au Bureau OMS pays, du Président du Conseil national de la Jeunesse, du Président de la Ligue sénégalaise contre le tabac, de nombreux invités, professionnels de la santé, journalistes et citoyens.
Au terme d’un long réquisitoire contre l’industrie du tabac et l’inaction de décideurs, R. Gaye a conclu ses propos par ces mots : « Nous voyons à Dakar des signes ostentatoires de richesses d’une industrie du tabac en bonne santé. Les milieux sportifs et associatifs sont pris en otage par un sponsoring savamment organisé. Les parents fument à la maison devant les enfants, les enseignants empruntent des briquets aux élèves, les personnels de santé fument sur leur lieu de travail. Les jeunes cherchent à rassembler à tout ce beau monde et exhibent les paquets de cigarettes et gadgets à la mode. Si les forces vives de ce pays ne réagissent pas, nous les jeunes commençons notre croisade contre le tabac. Au nom de tous les jeunes, nous invitons la Représentation nationale et le Gouvernement à se joindre à nous».
Réagissant à ces propos, le Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, Mme Aminata Touré, a dit comprendre le « cri du coeur » des élèves et les a rassurés. Selon elle, la célébration de la Journée mondiale sans Tabac 2013 intervient dans un contexte politique très favorable où le Président de la République a instruit le Gouvernement de « finaliser dans les prochaines semaines le projet de nouvelle loi anti-tabac, et à le soumettre à l’Assemblée nationale pour adoption, en vue d’assurer la protection de la santé des générations actuelles et futures».
Mme Touré a ajouté que la nouvelle loi anti-tabac a été élaborée dans le respect de l’esprit de la Convention-cadre de l’OMS qui constitue «un levier efficace » à la disposition des Etats membres de l’OMS.
Visiblement touchés et convaincus par l’interpellation des élèves, les parlementaires, par la voix de leur collègue, le Dr Mbayam Dione, se sont dits prêts à voter le projet de nouvelle loi anti-tabac dès qu’elle sera soumis à la Représentation nationale.
Auparavant, tous les intervenants qui avaient pris la parole avaient fortement soutenu l’argumentaire prononcé par R. Gaye.
S’appuyant sur les statistiques contenues dans le message du Dr Luis Gomes Sambo, Directeur régional de l’OMS pour l’Afrique, le Représentant de l’OMS, le Dr Alimata Jeanne Diarra-Nama, a informé l’assistance que près de 11,5 % de la population de cette zone géographique sont des consommateurs de tabac, tous sexes confondus. Au sein de la population jeune, 18 % consomment actuellement des produits du tabac, et le taux d’utilisation de produits du tabac autres que la cigarette s’élève à 11,6 %. Près de la moitié des jeunes (48,2 %) sont également victimes du tabagisme passif dans les lieux publics.
La preuve étant faite que le tabac tue jusqu’à la moitié de tous ses consommateurs et demeure l’une des principales causes de décès évitable, que l’épidémie mondiale de tabagisme tue chaque année près de six millions de personnes, dont plus de 600 000 sont des non-fumeurs victimes du tabagisme passif, le Directeur régional de l’OMS exhorte les Etats membres à interdire la publicité, la promotion et le parrainage en faveur du tabac, à travers la ratification et la mise en oeuvre de la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac.
Le Représentant de l’OMS a fait la même exhortation aux Autorités nationales, aux Députés en particulier, à adopter le projet de nouvelle loi anti-tabac élaboré par le Ministère de la Santé et de l’Action sociale. « Cette adoption constituera la suite logique de la signature par l’Etat du Sénégal de la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte anti-tabac le 19 juin 2003 et sa ratification par l’Assemblée nationale le 27 janvier 2005. Elle permettra, surtout, de disposer d’un outil extrêmement précieux de protection de la jeunesse contre les pièges de l’industrie du tabac et un levier efficace dans la prévention des maladies chroniques à soins coûteux dont les cancers », a ajouté le Dr Diarra-Nama.
Les professionnels de la santé ont également joint leur voix à celle de l’OMS et des élèves pour réclamer du Gouvernement sénégalais qu’il mette un terme aux dégâts engendrés par la consommation du tabac. Le Dr Khady Thiam du service de Pneumologie du CHU Fann, qui a parlé en leur nom a révélé les résultats de plusieurs études. L’une d’entre elles réalisée en 2010 dans quatre grands hôpitaux de Dakar a montré une prévalence de 12,8% de fumeurs parmi les personnels de santé.
D’autres études parcellaires montrent que les jeunes garçons et filles entrent dans le tabagisme à l’âge de 16 ans, en moyenne, sous l’influence de la publicité dans 20 à 35% des cas.
En 2012, sur 811 malades hospitalisés dans le service, 33 cas de cancers broncho-pulmonaires, 30 cas de BPCO, deux maladies principalement liées au tabagisme et responsables d’un lourd handicap, ont été décelés. « Les résultats de la prise en charge de ces deux pathologies étant décevants dans nos pays en développement, la priorité doit être accordée à la prévention.
Le Dr Thiam a recommandé l’organisation de campagnes d’information et de sensibilisation en direction des jeunes, la subvention des médicaments pour les personnes qui ont décidé d’arrêter de fumer, la réalisation d’études plus exhaustives sur la prévalence du tabagisme.
Le Président du Conseil national de la Jeunesse (CNJS), Mr Aliou Sow, et le Président de la Ligue sénégalaise contre le tabac (LISTAB), le Dr Abdoul Aziz Kassé, cancérologue et récipiendaire du Prix de la Directrice générale de l’OMS pour la lutte anti-tabac en 2012, ont dénoncé les sommes colossales investies par l’industrie du tabac dans la publicité, la promotion et le parrainage pour tromper la jeunesse africaine. Ces pratiques ont déjà ôté le souffle à des millions de personnes dont l’Afrique avaient besoin pour son développement socio-économique. En signant la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte anti-tabac, l’Etat sénégalais a pris des engagements qu’il doit aujourd’hui respecter ont déclaré les responsables du CNJS et de la LISTAB.
« Si les forces vives de ce pays ne réagissent pas, nous les jeunes commençons notre croisade contre le tabac. Au nom de tous les jeunes, nous invitons la Représentation nationale et le Gouvernement à se joindre à nous».